Quand Florence Pinel déroule dans son atelier ses toiles comme si c'étaient des tapis magiques, un monde de couleurs et de lumiére nous embrasse, nous fête, nous charme, Florence n'encadre pas ses oeuvres, elle les laisse libres dans l'espace et dans le mouvement: sans châssis, animées par une âme qui leur est propre, elles vivent,respirent et nous font vivre et respirer à notre tour.Car ses toiles sont pleines de cris, d'odeurs, d'oxygène.Oui, d'oxygène: elles nous insuflent la vie, la crie, avec les tons qui nous sont nécessaires pour exister, pour être.

Les voici les verts qui nous revigorent, les jaunes qui nous enflamment, les rouges qui nous donnent une folle envie de bouger, de danser, de rire.La couleur si importante dans notre vie- l'est d'autant plus que dans l'œuvre de Florence. Elle porte sur l'humeur, elle révèle un sentiment."déjà quand je choisis les pots de couleur dans le magasin de peinture c'est de la joie, ne parlons pas quand, une fois devant la toile, je les utilises: quelle merveille!", s'écrie l'artiste. Et puis sa couleur se mélange, se confond sur sa palette avec la lumiére chaude, fauve, flamboyante pour enrober tous les personnages: des hommes, des femmes, mais surtout beaucoup d'enfants.Ils nous regardent droit dans les yeux depuis ses toiles:ils rentrent en communication avec nous, avec le spectateur. Pour faire un point? Pour poser des questions? Pour nous inviter à partager leurs jeux?

Florence Pinel a toujours représenté le monde autour d'elle. Et si la nature, certes présente, se fait en réalité plus discréte, plus humble même si Florence aspire à lui donner une juste place -" La nature me recentre, me remet d'aplomb.Toucher la terre et toucher les plantes me rééquilibre"-ses personnages, montrent tous un travail évident sur le contour. C'est que la peinture de Florence n'est là que pour eux, pour les magnifier.Pour les exalter.Est-ce qu'elle les idéalise? " Les enfants sont la part la plus juste qui est en nous, dit encore l'artiste. Ils ont en eux toutes les possibilités, toutes les chances, toutes les hypothéses.Il y a le rêve en eux. Quand tu t'approches le plus de ton enfance, tu t'approches du vrai. C'est à ce moment précis que tu es, que tu redeviens un bel être humain."

Même si on n'a pas le sentiment du silence, ses enfants semblent se reposer de l'action, comme si ils voulaient reprendre haleine avant de retourner vite à leurs occupations.Retourner dans la roulotte qui est garée là, au fond de la toile, retourner à jouer au roi et à la reine, à chevaucher un zébre, à s'embarquer dans un navire ou, enfin, accompagner maman dans le RER lors d'un voyage où l'étonnement, la fraîcheur, enfin l'insouciance deviennent ou, mieux, racontent l'aventure même, toujours dégagée du temps imminent et immanent. 

Oui, parce que l'esprit de Florence Pinel est libre, totalement libre, comme libre et libéré est son geste ample et arrondi devant ses toiles imposantes:" Le grand format délie l'expression et permet de raconter une histoire autre, explique le peintre. Et puis il y a une part de plaisir avec une grande toile, alors qu'une autre part est plutôt physique, presque de lutte. Parfois je me demande jusqu'où je peux arriver ?"

Il y a de la narration dans l'art de Florence, elle est figurative, mais jamais on y retrouve une bavarde description. Le peintre nous améne par la main dans son univers et dialogue avec nous et de temps à autre nous offre même quelques clefs de lecture. Chacun de nous explore alors avec le coeur, et non pas avec la raison, les méandres de ce monde parfois enchanté, parfois étonnant, toujours plein de poésie. De chaque voyage nous revenons avec plein d'émotions nouvelles, inconnues, insoupçonnées par Florence. Il n'y a pas beaucoup d'artistes qui parviennent à atteindre ce bonheur.

Francesco Rapazzini